Actualités | Compte rendu des activités de l’ANM

Cinquantenaire du rétablissement

de la cour d’appel de Metz

 

Samedi 21 octobre l’Hôtel de Ville de Metz accueillait l’Académie nationale de Metz pour un colloque dont le thème a été suscité par le maire de Metz en personne, François Grosdidier. Ce dernier est, en effet, comme ses prédécesseurs, très attaché à la présence et au maintien à Metz d’une cour d’appel. D’autant que cette dernière a connu bien des vicissitudes au fil des siècles derniers. C’est ce qu’ont rappelé tour à tour, au cours d’un édifiant panorama historique, nos confrères Gérard Michaux et Pierre Brasme, ainsi que notre consoeur Marie-Agnès Mirguet. Gérard Michaux a brossé un minutieux tableau du Parlement de Metz de 1633 à 1771, relayé dans son exposé par Pierre Brasme. Ce dernier a abordé la période de la Révolution et de la Restauration jusqu’à l’Annexion : De la fin du Parlement à la disparition de la cour d’appel de Metz, un siècle de turbulences judiciaires ; 1771-1871 . Il revenait à Marie-Agnès Mirguet, conseiller honoraire à la cour de cassation, ancien président de chambre de la cour d’appel de Metz, d’évoquer Les vicissitudes de la cour d’appel de Metz au long des cinquante dernières années et du combat mené notamment avec le soutien du Républicain Lorrain pour le rétablissement de cette cour à Metz. Ce qui advint après une longue bataille politique et judiciaire. Mais la vigilance reste toujours de mise, la légitimité est incontestable, car l’a rappelé Mme Mirguet : «  Si notre cour d’appel est la seule qui soit monodépartementale, elle est bien plus importante que d’autres cours d’appel qui siègent sur plusieurs départements, puisqu’elle occupe le 17e rang dans le classement de la liste des 36 cours d’appel françaises. » (statistiques de 2012, Ministère de la Justice)

En seconde partie de journée, Christophe Mackowiak, premier président de la cour d’appel de Metz et François Perain, procureur général près ladite cour ont accueilli au sein même du Palais de Justice les participants du colloque. Après une présentation historique par Jean-François Tritschler, une visite du Palais a été conduite par ce dernier et M. Claude Chevalier, tous deux magistrats honoraires.

Article paru dans La Semaine du 12 janvier 2018

« Les vicissitudes de la cour d’appel de Metz »

Marie-Agnès Mirguet
Conseiller honoraire à la Cour de cassation, ancien président de chambre de la cour d’appel de METZ

Alors que les projets actuels pour l’organisation de la justice du XXIe siècle font craindre à nouveau la disparition de la cour d’appel de Metz qui, progressivement vidée de son contentieux, n’aura plus guère à terme de justification, il convient de revenir sur l’histoire mouvementée de cette juridiction qui a déjà connu une suppression au cours de l’une des périodes les plus noires que les Mosellans ont subie.

L’organisation d’une cour de justice à Metz est très ancienne. Le Parlement de Metz, ayant alors compétence sur les Trois Evêchés : Metz, Toul et Verdun, a été créé à l’instigation de Richelieu, sous Louis XIII par un édit du 15 janvier 1633. Le Parlement de Nancy n’a été créé qu’en 1768. Les Parlements sous l’Ancien Régime étaient des cours souveraines, notamment chargées d’assurer l’exercice de la justice royale dans le royaume de France. A la Révolution, lorsque cette institution accusée d’avoir affaibli la monarchie a été supprimée, il y en avait 13.

Progressivement une nouvelle organisation judiciaire a été installée sur le territoire français, voulue et créée par Napoléon, composée de deux degrés de juridictions : les tribunaux de première instance et les tribunaux d’appel qui deviendront nos cours d’appel actuelles, avec au sommet de cette hiérarchie un Tribunal de cassation, l’ancêtre de notre Cour de cassation, chargée de contrôler la régularité légale et formelle des décisions des juridictions inférieures. Cette organisation, améliorée et refondue en 1958 à la faveur de la Constitution de la Ve République, constitue le cadre de notre justice républicaine.

Moselle et Ardennes

La loi du 27 ventôse An VIII institua à Metz un tribunal d’appel qui eut pour ressort trois départements : la Moselle, les Ardennes et les Forêts (l’actuel Luxembourg). Ce tribunal, devenu par la suite cour d’appel, était l’héritier de l’ancien Parlement de Metz. Progressivement son ressort a été limité aux seuls départements de la Moselle et des Ardennes, et bien qu’à deux reprises, en 1816 et en 1848, il fut question de sa suppression ou de son rattachement à une cour voisine, la cour d’appel de Metz résista et fonctionna normalement jusqu’à la guerre franco-prussienne de 1870.

A l’issue de ce conflit qui fut un désastre pour notre région, l’Alsace et une partie de la Moselle furent, dans le cadre du règlement des conséquences de cette guerre, concédés au IIe Reich allemand par le Traité de Francfort du 10 mai 1871. Les effets de ce traité de « paix » furent fatals aux cours d’appel.
Une loi allemande du 14 juillet 1971 supprimait les cours d’appel de Metz et de Colmar pour les remplacer par une seule juridiction allemande siégeant à Colmar appelée Oberlandesgericht, et substituant aux tribunaux d’arrondissement six tribunaux régionaux appelés Landgericht, siégeant à Metz, Sarreguemines, Saverne, Strasbourg, Colmar et Mulhouse.

Dans un premier temps, toujours compétents pour le département des Ardennes et l’arrondissement de Briey alors mosellan, restés français à la suite du Traité de Francfort, les magistrats de la cour d’appel de Metz se replièrent à Charleville dans les Ardennes où ils siégèrent à compter du 23 mai 1871. Cependant, compte tenu de ce petit ressort de compétence et de ce que l’arrondissement de Briey fut rattaché au département de la Meurthe et Moselle, une loi du 25 mars 1872 décida de rattacher ce ressort résiduel à la cour d’appel de Nancy.

Demi-mesure

A l’issue de la Première Guerre Mondiale, le Traité de Paix, signé à Versailles, le 28 juin 1919, redonnait les territoires d’Alsace et de Moselle à la France. La cour d’appel de Colmar fut immédiatement rétablie, mais ce ne fut pas le cas de celle de Metz, dont le ressort restait dépendant de celle de Colmar. Pourtant, dès la fin des hostilités en novembre 1918, le maire de Metz adressait une supplique au Garde des Sceaux réclamant le rétablissement immédiat de la cour d’appel de Metz en ces termes : « L’annexion de notre ville a été un douloureux cauchemar, une cruelle parenthèse dans la glorieuse histoire de notre cité. La victoire française vient de fermer cette parenthèse ; il nous faut nous remettre, dans tous les domaines et au plus vite, dans la situation où nous étions lorsqu’elle fut ouverte en 1871 et par conséquent rétablir notre brillante cour d’appel sans délai.»

Metz n’obtenait pas gain de cause et à défaut de rétablissement de la cour d’appel, une loi du 29 juillet 1928 créait une chambre détachée de la cour d’appel de Colmar à Metz. L’ensemble des élus et des juristes mosellans ne se satisfaisait pas de cette demi-mesure et commençait un véritable combat en vue d’obtenir le rétablissement de la cour d’appel de Metz. Malheureusement les Messins allaient assez rapidement être à nouveau confrontés à l’envahisseur nazi qui allait occuper la ville et la gérer comme si elle était à nouveau redevenue allemande.

Sous Pompidou et Messmer

Dès la fin des hostilités de la seconde guerre mondiale, la victoire des forces alliées et le rétablissement de la légalité permettaient d’espérer enfin la restauration de la cour d’appel de Metz, mais ce n’était toujours pas le cas. Aussi les professionnels de justice et les élus mosellans recommençaient à nouveau leur lutte avec détermination.

Ce fut notamment celle incessante de Raymond Mondon, lui-même magistrat, élu maire de Metz dès 1947, député de Moselle à compter de 1962 et ministre des transports dans le gouvernement Chaban-Delmas en 1969 jusqu’à son décès, le 31 janvier 1979, emporté par la maladie avant qu’il ne puisse voir son combat triompher.

Entre temps, le contentieux d’appel en provenance des tribunaux de première instance de Moselle devenait toujours plus important et justifiait la création d’une deuxième, puis d’une troisième chambre détachée à Metz, lesquelles fonctionnaient progressivement de façon autonome ce qui plaidait incontestablement en faveur de la restauration de la cour d’appel de Metz dans son plein exercice.

Le dossier activement soutenu par les avocats messins était quasiment prêt lorsque sous le Président Pompidou, Pierre Messmer, lui-même futur député de la Moselle et en cette qualité au fait de ce combat, devenait premier ministre. Il ne fallut plus longtemps pour que le Président de la République signe les décrets de nomination du Premier Président et du Procureur Général de la cour d’appel de Metz redonnant à cette juridiction un plein exercice.

L’audience du 15 janvier 1973 d’installation du Premier Président Henri Kauffer et du Procureur Général Alphonse Fiegel, tous deux nommés à la tête de la cour d’appel de Metz enfin restaurée, à laquelle assistaient de nombreuses personnalités dont Pierre Messmer, Premier Ministre, René Pleven, Garde des Sceaux, a été de mémoire de Lorrains un grand moment d’émotion.

Le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Metz de l’époque, qui compte tenu des circonstances avait été autorisé à prononcer une allocution lors de cette audience solennelle, avait des sanglots dans la voix lorsqu’il débutait son propos par cette phrase qui symbolise à elle-seule l’événement qui était en train de se vivre : « Enfin METZ redevient français ! »

Un affront !

La cour d’appel de Metz a cette particularité avec la cour d’appel de Colmar d’appliquer encore ce qui est communément appelé « le droit local », constitué par un ensemble de dispositions légales toujours en vigueur provenant, d’une part, du droit allemand applicable pendant l’Annexion et, d’autre part, du droit français en vigueur au moment de l’Annexion et conservées malgré celle-ci. Elle traite un contentieux conséquent qui s’explique par sa position géographique aux confins des trois frontières avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne et par l’importance de sa population, son ressort s’étendant sur le seul département de la Moselle comportant presqu’autant d’habitants que celui de la cour d’appel de Nancy qui couvre trois départements, la Meurthe et Moselle, les Vosges et la Meuse. Bien que seule cour d’appel monodépartementale, la cour d’appel de Metz se classe dans la première moitié des cours d’appel françaises, elle occupe le 17e rang sur 36.

Aujourd’hui supprimer à nouveau la cour d’appel de Metz, ne serait-ce pas faire un affront à toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont lutté pour le rétablissement de cette juridiction après avoir vécu l’une des périodes les plus noires de leur histoire ?

 

 

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